Critiques du spectacle de Nice

LE MONDE 04.12.02

" Elephant Man", ronde tragique autour de l'homme-objet
L'œuvre de Laurent Petitgirard est créée à Nice, trois ans après son enregistrement.
Nice de notre envoyée spéciale

Tout le monde a gardé en mémoire les images cruelles, dérangeantes, du film de David Lynch, Elephant Man, sorti en 1980. Joseph Merrick, atteint d'une maladie aujourd'hui connue sous le nom du syndrome de Protée (révélée par des tests ADN récemment pratiqués sur son cadavre), y incarnait l'archétype du monstre des temps modernes. Prisonnier de son corps difforme, tour à tour phénomène de foire, spécimen scientifique, objet de compassion et coqueluche de la bonne société, Elephant Man finissait par mourir à 27 ans pour avoir voulu "dormir comme un homme" en posant sa tête trop lourde sur un oreiller.
L'Elephant Man de Laurent Petitgirard n'est pas non plus un inconnu : enregistré en 1999 aux éditions Le Chant du Monde, il a cependant attendu trois ans avant d'être porté à la scène le 7 février 2002 à Prague (dans le cadre du Festival du Printemps de Prague), puis, en France, à l'Opéra de Nice. Musicalement, le sujet semble avoir quelque peu contaminé une partition qui prend çà et là sur le plan formel des allures d'éléphant dans un magasin de porcelaine (la reprise systématique du "da capo" dans la plupart des scènes devient vite lassante).
Mais l'œuvre sonne bien, met en valeur l'orchestre et les voix, se meut avec aisance entre post-romantisme, prosodie française dans la tradition de Poulenc et harmonies chorales fauréennes – ainsi la fameuse "cadence fauréenne" fleurira-t-elle d'abondance dans la belle "prière des malades" qui clôt l'acte II, et dont le thème reviendra joué par le violon solo au moment de la mort d'Elephant Man.
Soutenu par le compositeur au pupitre, le jeu des musiciens de l'Orchestre philharmonique est généreux et emporte l'adhésion (beaux solos des vents à partir de l'acte II), de même que le Chœur de l'opéra qui fait preuve de justesse et d'homogénéité. Si l'on n'a malheureusement que peu l'occasion d'entendre le timbre chaleureux d'Elsa Maurus en infirmière chef (Eva Lückes), la jeune Valérie Condoluci campe une Mary émouvante et se sort bien d'un rôle difficile. (On se demandera cependant jusqu'à la fin pourquoi elle est affublée d'une robe si ostensiblement fendue sur le côté.)
UN MONSTRE EN JUPON
C'est à la mezzo tchèque Jana Sykorova que revient de créer sur scène le rôle tenu au disque par Nathalie Stutzmann. Un Elephant Man en jupon manquant peut-être de bronze dans les notes graves, mais qui possède une couleur vocale très agréable et un vibrato serré. La scène ultime sera magnifique de présence. Si Magali Léger manque d'aisance en colorature de service, elle compense par sa prestance physique. Quant à la distribution masculine, rien que des voix déjà gravées au disque : Robert Breault (Tom Norman) résistant aux périls d'une tessiture tendue, Nicolas Courjal (Carr Gomm), convaincant en fausse statue du Commandeur, et, surtout, le Docteur Treves, de Nicolas Rivenq, baryton soigné, à la diction intelligible et au phrasé nuancé.
Composée comme une ronde, la mise en scène de Daniel Mesguich tourne autour de l'homme-objet monstrueux, qui finira par se dédoubler pour mieux se voir et en mourir de chagrin et de solitude. Costumes d'époque victorienne, lumières "londoniennes" et décor semi-figuratif achèvent de donner la réplique à un spectacle qui se laisse non seulement voir agréablement mais écouter avec plaisir.
Marie-Aude Roux

OPERA INTERNATIONAL, janvier 2003

NICE
Joseph Merrick dit Elephant Man
Petitgirard
Jana Sykorova (Elephant Man) - Nicolas Rivenq (Dr. Treves)
Robert Breault (Tom Norman) - Valérie Condoluci (Mary)
Elsa Maurus (Eva Lückes) - Nicolas Courjal (CarrGomm)
Magali Léger (La Colorature) - Mari Laurila-Lili (Jimmy)
Laurent Petitgirard (dm) - Daniel Mesguich(ms)
Frédéric Pineau (dc)
Opéra, 3 décembre

Joseph Merrick (1862-1890) était atteint de la "maladie de Protée" : des excroissances de chair défiguraient son visage et boursouflaient son corps. Après avoir été exhibé dans les foires, il fut pris en charge par un médecin et devint une célébrité jusqu'à son suicide. Son existence tragique a inspiré une pièce jouée à Broadway, une comédie musicale donnée il y a deux ans à Londres, et un film signé David Lynch, joué par John Hurt, John Gielgud, Anne Bancroft et Anthony Hopkins, en 1980.
Aujourd'hui, Eric Nonn pour le livret, et Laurent Petitgirard pour la musique, consacrent à "ElephantMan" un opéra en quatre actes qui défend le droit à la différence : "Je ne veux plus vivre dans le regard des autres", dit le pauvre "monstre". L'histoire commence dans les rues de Londres, où Merrick est exhibé, pour se poursuivre à l'hôpital, dont il devient la vedette.
La mise en scène très réussie de Daniel Mesguich confond les deux mondes en un onirisme puissamment suggestif. Les décors de Frédéric Pineau évoquent d'abord une ruine urbaine à la Piranèse pour faire ensuite de l'hôpital un théâtre victorien, où les malades sont autant d'acteurs qui se contorsionnent. Les éclairages raffinés de Patrick Méeùs suggèrent les brouillards complices de Jack l'Eventreur.
La partition (enregistrée en 2000 chez Le Chant du Monde), très évocatrice, fait alterner les scènes intimistes, où Elephant Man, vu d'abord en ombre chinoise, est à lui-même un sujet d'horreur, avec des choeurs composés des passants, puis des malades. Dans un lyrisme à la Fauré, les choristes expriment une mélancolie poignante ("C'est un jour comme les autres ") et lancent à Dieu une prière désespérée. Sous la direction du compositeur, l'Orchestre Philharmonique de Nice révèle toutes les nuances d'une partition qui s'engage contre les diktats de la "normalité".
La mezzo tchèque Jana Sykorova prête sa belle voix grave à Merrick, dont elle donne une image sensible et touchante. Nicolas Rivenq campe avec autorité le docteur Treves, tan-dis que Robert Breault incarne le flamboyant Tom Norman, le "Silver King" qui exploite Merrick comme une attraction foraine.
La gracieuse Valérie Condoluci est Mary, l'infirmière compatissante, curieusement habillée d'une jupe fendue sur la cuisse bien peu victorienne. Elsa Maurus fait une trop brève apparition, et Nicolas Courjal prête sa prestance au directeur de l'hôpital. Magali Léger en diva et Mari Laurîla-Lili en gamin des rues complètent une distribution des plus convaincantes.
Bruno Villien

Süddeutsche Zeitung - Samstag, 7.12.2002

Im Staub geboren

Laurent Petitgirards Oper "Elephant Man" an der Oper von Nizza
Der Ansturm auf das sichtbar in die Jahre gekommene Opernhaus von Nizza war gewaltig. Jede Menge Prominenz, allen voran der Bürgermeister, der anschließend zum Empfang lud und das Projekt sozusagen zur Chefsache erhob. Seit dreißig Jahren hat es hier keine neue Oper mehr gegeben, obgleich sich kaum ein angenehmerer Ort dafür denken lässt. Der Strand in Sichtweite, das Klima auch im Dezember noch sommerlich, die Restaurants ausgezeichnet.
Streng genommen fand die Uraufführung bereits im Frühjahr in Prag statt. Doch der Komponist Laurent Petitgirard will davon nichts wissen. Die Darbietung habe in keiner Weise seinen Vorstellungen entsprochen, weshalb er nun in Nizza eine zweite Uraufführung ansetzte. Einen Teil des Gesangsensembles, insbesondere Jana Sykorova in der Hauptrolle, hat er gleichwohl übernommen. Es verwundert nicht, dass Petitgirard um seine erste große Oper so besorgt ist. Denn er hat alles so angelegt, dass sein Musiktheater sowohl den erfahrenen Opernbesucher als auch ein Massenpublikum anspricht.
Innovativ, aber schmerzfrei
Zwischen traditioneller Oper und Musical besetzt Petitgirard mit seinem "Elephant Man" eine Lücke, die erst einmal als Chance verstanden werden muss. Die Gefahr, dass sich sowohl Klassikfans als auch Musical- Begeisterte abwenden, ist gleichwohl eher gering. Die Geschichte ist hinreichend aktuell, die Musik gleichermaßen gefällig und anspruchsvoll. Mitunter hört man den Filmkomponisten Petitgirard heraus, der virtuos mit Bildern und Stimmungen hantiert, den kurzen Augenblick gestaltet und sich erst dann um größere Zusammenhänge und übergreifende Dramatik kümmert. Deshalb übernimmt das Orchester – obwohl die Sänger stets präsent sind – die Führungsrolle. Petitgirard leistete hier Erstaunliches. Er beherrscht den instrumentalen Apparat so sicher, dass er die Gradwanderung zwischen innovativer Klangästhetik und schmerzfreier Melodik mühelos schafft. In den Arien und den chorischen Einlagen ist er dem Musical allerdings oft näher als der ernsten Oper.
Da hätte die Regie und das Bühnenbild einiges retten können, doch Regisseur Daniel Mesguich trug eher dazu bei, die Vorbehalte zu bestärken. Seine verstaubten Bildvorstellungen und Bewegungsabläufe wirkten arg provinziell. Und er schaffte es auch nicht, aus dem historischen Stoff Dringlichkeit zu ziehen. Dabei könnte die Geschichte des geschundenen, zur Schau gestellten Krüppels durchaus zeitlos aktuell wirken. Allein die Frage, wie man als vermeintlich Gesunder das Andersartige, Abweichende einschätzt und wie man damit umgeht, wäre spannend genug.
Die historische Gestalt des Joseph Merrick, alias Elephant Man liefert dafür ausreichend Material. Wie dieser geistig durchaus voll zurechnungsfähige, verwachsene Mann in die Fänge der Medizin gerät, wie er sich daraus befreit und lieber wieder im Zirkus auftritt, wo er nicht schlimmer erniedrigt wird als im Hörsaal, im Gegensatz dazu aber seinen Lebensunterhalt selbst verdienen kann.
Der Librettist Eric Nonn und der Komponist Laurent Petitgirard weichen diesen moralischen Fragen keineswegs aus, im Gegenteil. Mitunter stellten sie die Problematik überdeutlich in den Vordergrund. Vielleicht hat sich der Regisseur deshalb mit der Rolle des szenischen Erfüllungsgehilfen begnügt: Sein ganzes Engagement galt historisch korrekten Kostümen, hölzernen Buden und einem hübschen Zirkuswagen. Dazu viel Rauch oder Staubwolken – so genau konnte man das nicht unterscheiden.
Entscheidend für die letztlich gelungene Aufführung waren das hervorragend disponierte Opernorchester von Nizza unter der Leitung des Komponisten sowie ein handverlesenes Gesangsensemble. Jana Sykorova glänzte in ihrer Hosenrolle als Elephant Man, beeindruckte trotz Gesichtsmaske und üppiger Kostümierung auch darstellerisch. Was insbesondere im dritten und vierten Akt gehörige Anstrengung verlangte. Nicolas Rivenq und Robert Breault hatten ebenfalls genug Spielraum und ein paar prächtige Arien, um sich wirkungsvoll in Szene zu setzen. Weniger geschmackvoll dagegen: die hysterischen Koloraturen von Magali Léger. Petitgirard wollte hier aber bewusst dem Hörer auf die Nerven gehen, wie er sagt, und das hat er mit dieser Partie auch bravourös geschafft.
Am Ende blieb dennoch ein starker Eindruck. Allein die Tatsache, dass die Oper drei Stunden lang trägt, ohne je langweilig zu werden, ist bemerkenswert. Inzwischen gibt es den "Elephant Man" in einer hervorragenden CD-Einspielung (MFA LDC 2781139.40), mit Nathalie Stutzmann in der Hauptrolle und dem philharmonischen Orchester Monte Carlo, gleichwohl würde man Petitgirards Opern-Musical einmal in einer anspruchsvolleren Inszenierung als in Nizza sehen wollen.
Helmut Mauro

Süddeutsche Zeitung 07/12/2002

Né de la poussière
L'opéra Elephant Man de Laurent Petitgirard à l'opéra de Nice

L'opéra de Nice qui porte visiblement son âge fut pris d'assaut. Il y avait là grand nombre de personnalités, à leur tête M. le Maire qui donna à la fin une réception, élevant ainsi le projet au rang d'une sorte d'affaire d'état. Depuis trente ans, il n'y avait plus eu de création d'un opéra, alors que l'on ne peut guère s'imaginer de cadre plus agréable pour un tel événement : la plage toute proche, le climat quasi estival en plein mois de décembre, les excellents restaurants.
La première mondiale à proprement parler eut lieu à Prague au début de l'année. Mais le compositeur Laurent Petitgirard n'en veut rien savoir, car à son avis cette représentation n'avait en rien répondu à son attente, ce pourquoi il avait choisi Nice pour une deuxième création. Il a toutefois repris une partie des chanteurs, notamment Jane Sykorova pour le rôle principal. Rien d'étonnant à ce que Petitgirard se préoccupe tant de son premier grand opéra ; car en le composant, il a tout fait pour que son théâtre musical attire tout autant l'amateur d'opéra averti que le grand public.
Innovateur, mais indolore
Entre l'opéra traditionnel et la comédie musicale, Petitgirard comble avec son Elephant Man une lacune dans laquelle il faut en fait voir une chance. Toutefois, le risque de déplaire aussi bien aux passionnés de la musique classique qu'aux fanatiques du musical, est assez faible. Le sujet est d'actualité, et la musique est plaisante et exigeante à la fois. Parfois on croit entendre l'auteur de musique de films Petitgirard qui jongle de manière virtuose avec images et ambiances, qui dépeint le moment fugace, pour s'occuper ensuite seulement des contextes plus vastes et de la trame dramatique. C'est pourquoi l'orchestre – malgré l'omniprésence des chanteurs – joue le premier rôle. C'est là que Petitgirard réussit des choses étonnantes. Il maîtrise l'appareil instrumental d'une main si sûre qu'il établit sans peine le périlleux équilibre entre esthétique sonore innovatrice et travail mélodique indolore. Toutefois, dans les airs et les interventions du chœur, il est souvent plus proche de la comédie musicale que de l'opéra à proprement parler.
La mise en scène et les décors auraient pu atténuer quelque peu ces réserves ; mais le metteur en scène Daniel Mesguich a plutôt contribué à les renforcer. Son imagerie poussiéreuse et le mouvement qu'il a imprimé à l'action relevaient d'un fâcheux provincialisme. Il n'a pas réussi non plus à rendre présente l'histoire vraie de l'estropié brimé, exposé aux foules, un thème qui aurait pu se présenter d'une actualité intemporelle. Déjà la seule question de savoir comment nous autres, les présumés sains, évaluent et traitent ce qui est différent, ce qui diverge, aurait mérité une réponse.
Le personnage historique de Joseph Merrick, alias Elephant Man, fournit à cet effet matière abondante. Voilà un homme difforme, psychiquement tout-à-fait normal, qui tombe entre les mains des médecins dont il finit par se libérer, préférant être à nouveau montré dans l'arène du cirque où il ne subit pas de pire rabaissement que dans l'amphithéâtre de la faculté, mais où du moins il gagne lui-même sa vie.
Le librettiste Eric Nonn et le compositeur Laurent Petitgirard n'esquivent nullement cette question d'ordre moral ; tout au contraire mettent-ils parfois ce problème ostensiblement au premier plan. C'est peut-être pour cette raison que le metteur en scène s'est contenté du rôle d'auxiliaire scénique : tout son engagement s'était tourné vers des costumes historiquement corrects, des baraques foraines en bois et un joli char de cirque. Avec ça, beaucoup de fumée ou de nuages de poussière, on ne savait trop quoi.
Si la représentation pouvait tout-de-même être considérée comme réussie, on le doit à l'orchestre de l'opéra de Nice, remarquablement disposé, sous le direction du compositeur, et à un ensemble vocal de choix. Jana Sykorova brillait, aussi bien en tant qu'actrice, dans son rôle de travesti, malgré son masque et ses costumes luxuriants, ce qui lui demandait de gros efforts surtout au troisième et au quatrième acte. Nicolas Rivenq et Robert Bréault avaient également assez de marge de manœuvre et quelques beaux airs, pour pouvoir se mettre efficacement en valeur. De moins bon goût par contre étaient les coloratura hystériques de Magali Léger. Si l'on en croit Laurent Petitgirard, c'est à dessein qu'il voulait par là même " taper sur les nerf " de l'auditoire, ce qu'il a réussi avec bravoure.
En fin de compte, l'œuvre a laissé une forte impression. Le seul fait que l'opéra tient ses trois heures, sans jamais sombrer dans l'ennui, est remarquable. Il existe dès à présent un excellent enregistrement sur CD (MFA LDC 2781139.40) avec Nathalie Stutzmann dans le rôle titre et l'orchestre philharmonique de Monte Carlo. On aimerait cependant voir un jour l'opéra-comédie musicale de Petitgirard dans une mise en scène plus exigeante que celle de Nice.
Helmut Mauro

CLASSICA, février 2002

Le bonheur, enfin!

Il fallait se rendre plus au Sud pour renouer avec les plaisirs lyriques. Pas de doute pour nous : Elephant Man de Laurent Petitgirard (en création française à Nice) est l'opéra français le plus accompli que la scène lyrique hexagonale ait vu naître depuis Le Château des Carpathes de Philippe Hersant (1992).
Connu jusque-là par le disque, l'ouvrage de Petitgirard fonctionne parfaitement à la scène au point même de s'enflammer ! La mise en scène de Daniel Mesguich, vue à Prague au Printemps dernier, sert ses rouages et use d'un concept de théâtre dans le théâtre tout à fait approprié.
Les chanteurs sont habilement dirigés (Nicolas Rivenq, dans le rôle du Docteur Treves, domine la distribution), et évoluent dans un décor de pure poésie, noyé dans les brumes de l'Angleterre victorienne.
Mais c'est pour la musique de Petitgirard que l'on est venu : on savait le compositeur mélodiste-né (La Prière des malades ou l'air de la colorature sont de véritables tubes), mais la variété de ses harmonies et de ses coloris d'orchestre maintiennent une qualité et une tention émotionnelle constantes. Bravo !
Jérémie Rousseau

OPERA GAZET Gepubliceerd op 7/12/2002

"JOSEPH MERRICK DIT ELEPHANT MAN" Opera in vier bedrijven van Laurent Petitgirard (muziek) en Eric Nonn (libretto). Wereldcreatie in de Staatsopera te Praag op 7 februari 2002. Bezochte Franse première in de Opéra de Nice op 29 november 2002.

De naam Joseph Merrick klinkt zeker niet onbekend gezien het toneelstuk van Bernard Pomerance en de film van David Lynch. Vanaf nu zal deze naam zeker en vast ook de nodige bekendheid krijgen bij het operapubliek en dit na de wereldcreatie in de Praagse Nationale Opera, het verschijnen van een CD opname bij Harmonia Mundi en vooral door de schitterende uitvoeringen nu gebracht door de Opera van Nice. Het feit dat dit werk een formidabel succes genoot bij deze creatie in Frankrijk en rekening houdend dat het lokale publiek te Nice meestal het gebruikelijke repertoire aangeboden kreeg, bewijst dat dit werk een plaats moet kunnen krijgen op het repertoire van de grotere operahuizen. Wij durven gerust zeggen dat dit werk muzikaal één der beste is van wat wij de laatste jaren hoorden. Het leven van de ongelukkige, misvormde Joseph Merrick, die overal ontweken werd, bij diverse werkgevers ontslagen werd en die tijdens medische onderzoeken volledig naakt een massa geneesheren en journalisten diende te trotseren, spreekt iedereen aan. Tenslotte voelde hij zich nog het meest op zijn gemak als attractie bij een circusgezelschap. Hij stierf reeds op zevenentwintigjarige leeftijd, waarschijnlijk door zelfmoord te plegen. Eénmaal wilde hij gewoon op zijn rug slapen, maar het gewicht van zijn misvormd hoofd deed zijn halswervels breken met het fatale gevolg.
De componist zelf dirigeerde zijn werk, wat ook reeds het geval was te Praag bij de wereldcreatie. Teneinde de verstaanbaarheid van de tekst te garanderen gebruikte hij voor elke lettergreep maar één noot. Het Orchestre Philharmonique de Nice gaf een perfecte uitvoering van Petitgirard's partituur en deelde verdiend in de eindeloze ovaties van de stampvolle zaal bij het slot.
In de titelrol gaf de Tsjechische mezzo Jana Sykorova een aangrijpende vertolking ten beste. Deze rol werd inderdaad voor een vrouwelijke vertolkster geschreven om het ongewone personage van Joseph Merrick te accentueren. De rol van Doctor Treves die zich over zijn speciale patiënt ontfermt, was een kolfje naar de hand van de bariton Nicolas Rivenq, die reeds een uitgebreid repertoire heeft opgebouwd. Tom Norman, die zich als showman eveneens het lot van Merrick aantrekt, werd op magistrale wijze vertolkt door de vooral in de USA actief zijnde tenor Robert Breault. Deze zanger heeft een doordringende soepele stem met bovendien een probleemloze hoogte. De sopraan Valérie Condoluci in de persoon van de verpleegster Mary slaagde erin bij de ongelukkige titelfiguur een soort verliefdheid op te wekken. In kleinere partijen werd nog uitstekend werk gelevered door de sopraan Elsa Maurus, de bas Nicolas Courjal en de coloratuursopraan Magali Leger, beschikkend over een kristalheldere en schier oneindige hoogte. De fantastische regie van Daniel Mesguich, bijgestaan door decors en kostuums van Frédéric Pineau evenals de sfeervolle belichting van Patrick Méeüs, stuurden ons terug naar het Londen dat wij kennen uit film en literatuur. Het verschijnen van Jack the Ripper, Sherlock Holmes of Charles Dickens op de scène zou ons waarschijnlijk niet zijn opgevallen.
De directie van de Opera van Nice zou eigelijk een extra voorstelling van dit werk moeten inlassen, voorbehouden aan Europese operadirecties en regisseurs. De eersten omdat zij dit werk zouden leren kennen en de anderen om eens te kijken hoe een regie zou moeten uitgevoerd worden.
Dit seizoen brengt de opera van Nice nog een rariteit uit het barokgenre: Antonio Vivaldi's "Rosmira fedele" en dit op 21, 23 en 25 maart 2003.
W.V.

OPERA GAZET (PAYS-BAS) 7 décembre 2002

JOSEPH MERRICK DIT ELEPHANT MAN Opéra en quatre actes de Laurent Petitgirard (musique) et Eric Nonn (livret). Création mondiale à l'Opéra national de Prague le 7 février 2002. Franc succès pour la première française, à l'Opéra de Nice, le 29 novembre 2002.

L'histoire de Joseph Merrick, sorti de l'anonymat depuis la pièce de Bernard Pomerance et le film de David Lynch, sera désormais mieux connue des amateurs d'opéra. Joseph Merrick dit Elephant Man, créé pour la première fois à l'Opéra national de Prague il y a moins d'un an, existe au disque chez Harmonia Mundi. Il est aujourd'hui présenté dans une version époustouflante à l'Opéra de Nice. L'accueil formidable qui lui a été réservé lors de sa création en France, devant un public niçois pourtant habitué à des œuvres plus conventionnelles, montre bien qu'il mérite d'être inscrit au répertoire des grandes maisons d'opéra.
Nous n'hésiterons pas à affirmer qu'il s'agit là, musicalement parlant, de l'une des meilleures œuvres que nous ayons eu à entendre au cours de ces dernières années. La vie du malheureux Joseph Merrick nous interpelle: cet être difforme, fui de tous, congédié par divers employeurs, soumis complètement nu à des examens médicaux sous le regard impitoyable d'une foule de médecins et de journalistes, fut peut-être, en fin de compte, le mieux dans sa peau lorsqu'il servit d'attraction dans un cirque. Il mourut à l'âge de vingt-sept ans et l'on ignore si ce fut ou non un suicide. Toujours est-il qu'il voulut un jour dormir sur le dos: sa tête énorme fut entraînée en arrière par son poids et ses vertèbres cervicales se rompirent.
La direction de l'œuvre était assurée par son compositeur, comme ce fut aussi le cas lors de la première mondiale, à Prague. Pour garantir l'intelligibilité du texte, Petitgirard n'a jamais mis plus d'une syllabe par note. Devant une salle comble, l'Orchestre philharmonique de Nice a donné une exécution parfaite de la partition et a reçu sa part bien méritée d'applaudissements lors des longues ovations qui ont salué le final.
La mezzo tchèque Jana Sykorova était on ne peut plus émouvante dans le rôle-titre, écrit pour une interprète féminine afin d'accentuer l'étrangeté du personnage de Joseph Merrick. Le rôle du Docteur Treves, qui prend pitié de son étrange patient, convient à merveille à Nicolas Rivenq, un baryton ayant déjà un large répertoire à son actif. Tom Norman, qui exploite Merrick comme une attraction foraine, est interprété d'une manière magistrale par le ténor Robert Bréault, surtout présent sur les scènes américaines. Ce chanteur est doté d'une voix extrêmement souple et très à l'aise dans les aigus. La soprano Valérie Condoluci, dans le rôle de Mary, l'infirmière, réussit à éveiller une compassion proche de l'amour pour le malheureux personnage central. Les rôles secondaires sont extraordinairement bien servis, notamment par la soprano Elsa Maurus, la basse Nicolas Courjal et la soprano colorature Magali Léger, dont la voix cristalline semble ne pas connaître de limites dans le registre le plus aigu. La superbe mise en scène de Daniel Mesguich, les décors et les costumes de Frédéric Pineau et les éclairages de Patrick Méeüs nous plongent dans un univers londonien qui nous rappelle tel film, tel livre…, de sorte que l'apparition sur scène de Jack l'Éventreur, de Sherlock Holmes ou de Charles Dickens ne nous surprendrait pas outre mesure.
La direction de l'Opéra de Nice devrait programmer une présentation supplémentaire de cette œuvre à l'intention exclusive des directeurs d'opéras et des metteurs en scène européens. Les premiers, pour qu'ils découvrent cette œuvre de premier plan; les seconds, pour qu'ils prennent une leçon de mise en scène.
Signalons que l'Opéra de Nice a également programmé cette saison une œuvre du répertoire baroque très rarement jouée: Rosmira Fedele d'Antonio Vivaldi, les 21, 23 et 25 mars 2003.
W.V.

AMADEUS (Roma) 02/2003

La tragedia dell' Uomo Elefante
Linguaggjo tradizionale e realizzazione dl buona
qualità per il lavoro dl Petitgirard all'Opéra di Nizza

Lunghi applausi han-no accolto Joseph Merrick dit "EIephant Man", prima opera di Laurent Petitgirard su libretto di Eric Nonn andata in scena all'O-péra di Nizza la scorso novembre.
Rappresen-tata in prima mondiale lo scorso febbraio al l'opera di Stato di Pra-ga, era anche già ap-parsa in cd (Le Chant du Monde) nel 1999. La vicenda umana di Merrick, nota al gran-de pubblico grazie al film di David Lynch del
1980, ha tornito a Nonn lo spunto per un libretto di notevole impatto emotivo incen-trato sui temi del dop-pio e dell'emarginazio-ne del diverso.
Il soggetto, tratto da una storia vera, narra la vita di un uomo di estrema sensibilita pri-gioniero di un corpo re-so mostruoso da una rara malattia dege-nerativa. Iniziaimente esibito come fenome-no da baraccone, viene poi condotto in ospedale dove, studia-to come un animale raro, diviene allo stes-so tempo oggetto di compassione e perso-naggio alla moda, beniamino dell'alta società vittoriana. Mer-rick morirà suicida a 27 anni pe aver voluto realizzare il suo sogno di normalità: "dormir comme un homme", e appoggiare la sua te-sta troppo pesante su un cuscino per la pri-ma e l'ultima volta.
Su questa trama Petit-girard ha compiuto un atto di coraggio fir-mando, alla fine del XX secolo, una partitura decisamente tonale in linea con quella tradi-zione post-romantica francese che ebbe in Poulenc e Fauré gli ultimi grandi protago nisti. Il lavoro è piace-vole all'ascolto, in grado di valorizzare l'orchestra e le voci, un po' troppo lungo (la ripresa sistematica del da capo di quasi ogni scena ne ha messo troppo in risalto la sta-ticita), ma testimonia un'incontestabile invenzione melodica e un reale talento nell'u-tilizzo dell'orchestra, condotta verso impasti timbrici e coloristici di grande efficacia.
Per sottolineare il sen-so di estraniamento e di difformità il ruolo del protagonista è stato affidato al registro di contralto drammatico, che Jana Sykorova ha saputo rendere con buone doti vocali e di recitazione. Tra gli altri interpreti Si segnalano Robert Breault (Tom Norman), Nicolas Rivenq (dottor Treves) e la giovane ma effica-cissima Valérie Coldo-luci (Mary). Equilibrio e omogeneita anche da parte del Coro del Teatro diretto da Giulio Magnanini e dell'Or-chestra Filarmonica di Nizza guidata dallo stesso compositore. La regia di Daniel Mesguich, i costumi vittoriani di Frédéric Pineau e le luci di Patrick Méèus hanno contribuito alla creazione di un'ambienta-zione in piena armonia con il testo musicale.
Marco Cabutto

LA LETTRE DU MUSICIEN janvier 2003

"Elephant Man" en création française à Nice

Après la création mondiale à Prague en février dernier, la pre-mière en France de Joseph Memck dit Elephant Man, premier opéra de Laurent Petitgirard, avait lieu à l'Opéra de Nice. Après l'enregistrement réalisé avec le Philharmonique de Monte-Carlo (Chant du monde), l'ouvrage fut donné au cours de deux soirées qui firent salle comble (Harmonia Mundi les a captées et en fera un DVD).
Le compositeur et son librettiste Fric Nonn ont choisi de trai-ter les thèmes du double, de l'intolérance et de la solitude qui, portés sur scène, prennent une ampleur dramatique étonnan-te: le public devient l'acteur muet d'un voyeurisme magistralement orchestré.
La mise en scène de Daniel Mesguich se glisse dans les teintes brumeuses et moites de l'Angleterre victorienne, déplaçant avec naturel un décor circulaire magnifique (Frédéric Pineau) et animant une kyrielle de portraits saisissants. Le "théâtre dans le théâtre", thème cher au metteur en scène, se laisse dompter par la finesse des dialogues et de la musique. La direction du compositeur donne une vie intense à cette action pointilliste. Des "tubes" sont déjà connus, comme la Priêre des malades (choeurs homogènes de l'Opéra), un hommage révérencieux à Fauré, ou bien l'air "déjanté façon rock" de la colorature (Magali Léger, fantastique de présence et prenant de véritables risques pour sa voix). La partition résout le dilemme d'une écri-ture de notre temps, d'une tonalité libre de toutes contraintes esthétiques, et d'une véritable émotion.
Du côté de la distribution, on retient en premier lieu Jana Syko-rova, créatrice du rôle à la scène qui porte sur ses épaules, dans tous les sens du terme, l'intelligence et le désespoir de Joseph Merrick. Le baryton Nicolas Rivenq est un Docteur Treves au timbre magnifique et d'une élégance touchante; la jeune Mary, Valérie Condoluci, joue parfaitement le registre de la sensuali-té et la pudeur de la femme-enfant. Enfin, Robert Breault est Tom Norman, inénarrable bateleur. Une grande oeuvre vient de s'ajouter au répertoire contemporain. Elle ne demande qu'à respirer sur d'autres scènes. (29 novembre)
Stéphane Friédérich

Nice Matin

Dimanche 1er Décembre 2002 -
"Elephant man" crée l'événement à l'opéra de Nice

Jouée pour la première fois en France, la création de Laurent Petitgirard a rallié tous les suffrages
Quelque chose de beau, de grand, d'émouvant, s'est produit samedi sur la scène de l'opéra de Nice : la création en France d' "Elephant man" de Laurent Petitgirard. Il y a trente ans que n'avait eu lieu la création d'un nouvel opéra sur cette scène. L'événement se déroula en présence de personnalités politiques, du monde des arts et de la culture (1).
Le sujet de l'opéra était celui de l'homme monstrueux que l'Angleterre exhiba dans un cirque au XIXe et dont David Lynch fit naguère un film.
Porté par un excellent livret d'Eric Nonn, Laurent Petitgirard a déployé sa musique, comme une vague sombre qui vous entoure, vous cerne, vous envahit et, au bout du compte, vous laisse une impression de douceur. Elle nimbe d'humanité cette histoire tragique. Elle nous apporte une grande, une incommensurable surprise : dans le monde de l'opéra moderne, il y a encore des compositeurs qui savent faire chanter les chanteurs ! Oh ! point de bel canto ici, mais une manière de "théâtre chanté" qui s'inscrit dans la descendance des grands compositeurs français de Debussy à Poulenc.
Distribution haut de gamme
La prière des malades du deuxième acte, qui fait penser à Fauré, restera un morceau d'anthologie.
Un reproche, un seul : les accents toniques de certains mots n'ont pas été respectés, déformant alors, ponctuellement, le rythme de la langue française.
Côté mise en scène, un extraordinaire travail a été réalisé. Daniel Mesguish s'est imposé par sa force d'émotion et d'invention. Un monde inhumain se déchire sous nos yeux. C'est la société ? C'est le théâtre ? C'est le théâtre de la société ? Nous sommes tous des "Elephant men" potentiels. Les motifs d'exclusion ne sont pas que physiques !
Les interprètes furent dignes d'une distribution internationale : la contralto Jana Sykorova qui, après deux heures de maquillage, entre dans la peau du hideux héros, Nicola Rivencq, le docteur, Valérie Condoluci, émouvante infirmière, Magali Léger, exubérante colorature, ou encore Robert Bréault, Elsa Maurus et Nicolas Courjal. Le choeur fut admirable. L'orchestre également, exalté par la présence du compositeur à sa tête. Laurent Petitgirard nous a prouvé hier à Nice, sous le regard du monde lyrique français et étranger, que grâce à des auteurs tels que lui, l'opéra moderne est encore vivant !
La mise en scène, puissante et émouvante, est signée Daniel Mesguish.
André Peyregne

Prochaines représentations : aujourd'hui dimanche 14 h 30, mardi 20 h.
1. On remarquait notamment : Jacques Peyrat, sénateur-maire, Muriel Marland-Militello, député, Pierre Lafitte, sénateur, Michel Decoust, inspecteur au ministère de la Culture, Hugues Gall, directeur de l'Opéra de Paris, Mgr Bonfils, évêque de Nice, Jean-Marie Fournier, directeur de la salle Gaveau à Paris, en présence également des chroniqueurs musicaux de la télévision, Eve Ruggieri et Alain Duault, du compositeur Christian Manen, de l'écrivain Raoul Mille, etc.


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